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Halte au démantèlement du droit à l’aide juridique. Non aux projets de la Ministre Turtelboom.

Par cet appel, nous exprimons notre préoccupation concernant les projets du gouvernement Di Rupo récemment annoncés dans une note de la Ministre de la Justice Turtelboom[1] menant au démantèlement du droit à l’aide juridique.

Nous rappelons au gouvernement que conformément à l’article 23, alinéa 3 de la Constitution belge, le droit à l’aide juridique est un des composants du droit à mener une vie conforme à la dignité humaine. Ce droit est aussi consacré par l’article 6 de la CEDH, aussi bien en matière pénale qu’en matière civile.

En ces temps de crise, où les droits sociaux et démocratiques sont soumis à une pression grandissante et où de plus en plus de gens tombent dans la pauvreté, le système de l’aide juridique devrait être renforcé en tant que bouclier contre la régression sociale. Le droit à l’aide juridique est actuellement déjà limité par des conditions d’admission strictes et par la faiblesse des indemnités octroyées aux avocats qui la pratiquent.

Le gouvernement Di Rupo prévoit une économie de 25% du budget et vise à cet effet les groupes ayant le moins de possibilités de s’opposer au projet, en l’occurrence les mineurs, les étrangers et les personnes soupçonnées d’avoir commis un fait punissable. La méthode d’économie du gouvernement consiste en la diminution des indemnités des avocats qui choisissent de défendre ces groupes et en l’introduction d’un ticket modérateur.

Pour justifier son projet, le gouvernement dit mener un combat contre les abus du système. Il doit être souligné que 95% des avocats qui travaillent dans le cadre de l’aide juridique s’engagent chaque jour pour la réalisation du droit à l’aide juridique. La réduction des indemnités aura pour conséquence qu’un nombre décroissant d’avocats pourront se permettre de travailler dans le cadre de l’aide juridique, ce qui entraînera nécessairement une détérioration de la qualité de la défense, avec toutes les conséquences que cela implique pour les justiciables. Nous plaidons pour un système qui prévoit une rémunération équitable pour le travail de l’avocat, correspondant le plus précisément possible aux prestations fournies. Il va donc de soi qu’un contrôle doit exister contre les abus mais cela ne peut aboutir à une économie faite sur le dos de l’ensemble des avocats pratiquant l’aide juridique et de l’ensemble de leurs clients.

Nous sommes extrêmement préoccupés par le contenu de la note de la Ministre de la Justice Turtelboom dans laquelle un système d’ « abonnement » pour avocats est proposé. La raison avancée par la Ministre à ce sujet est que « le contrôle sur un nombre limité d’avocat, est intéressant aussi bien d’un point de vue politique que pratique». Est-ce que son intention est d’inclure uniquement des avocats dociles dans le système ? Va-t-elle réduire les avocats critiques au silence et restreindre leur passion pour la défense de leurs clients ?

Les avocats doivent pouvoir défendre leurs clients dans une situation de totale indépendance vis-à-vis de l’Etat. Les justiciables doivent pouvoir choisir leur conseil librement. Par conséquent, tout avocat doit pouvoir participer au système de l’aide juridique et percevoir une juste rémunération basée sur ses prestations.

La note de la Ministre ne peut être appréhendée isolément de la proposition du gouvernement d’instaurer la TVA pour les avocats. Une TVA à 21 % pour les avocats aurait comme conséquence que l’accès aux conseils d’un avocat deviendrait pour beaucoup de citoyens un luxe inaccessible. Tant la réforme du système pro deo que l’instauration d’une TVA sont des mesures qui pèsent uniquement sur les citoyens ordinaires. Pour les sociétés ces mesures sont en effet tout à fait neutres. Les projets du gouvernement constituent donc une attaque en règle contre un accès démocratique à la justice et, in fine, une atteinte manifeste à la justice sociale.

Nous dénonçons fermement cette attaque contre l’indépendance des avocats et nous nous opposons à la logique d’austérité au préjudice du droit fondamental à l’aide juridique pour le citoyen. L’instauration d’un ticket modérateur constitue également une régression sociale et va à l’encontre du principe de standstill[2]. Un combat de principe est nécessaire afin de renforcer, élargir et permettre un meilleur financement du système de l’aide juridique.

Nous appelons toutes les organisations de la société civile, les syndicats, les ordres d’avocats, les partis politiques, … à s’opposer aux projets du gouvernement Di Rupo menant au démantèlement du droit à l’aide juridique. Cette question est l’affaire de tous.

De Swaef Alexis, Président de la Ligue des Droits de l`Homme
Robert Pierre, Président du Syndicat des Avocats pour la Démocratie
Flachet Ivo, Progress Lawyers Network
Louveaux Hervé, Président de l’Association Syndicale des Magistrats
Vanderhaert Charlotte, Directrice du CBAR (Comité Belge d`Aide au Réfugiés)
Van Lancker Eddy, Secrétaire fédéral ABVV
Van Muylder Philippe, Secrétaire général FGTB Bruxelles
Van Keirsbilck Felipe, Secrétaire général de la CNE
Dermagne Jean-Marie, Vice-Président du Syndicat des Avocats pour la Démocratie, ancien bâtonnier
Hamaide Jacques, ancien Président du Conseil Supérieur de la Justice, avocat honoraire
Tordeur, Guy, Secrétaire fédéral de la CSC Bruxelles-Hal-Vilvoorde
Carlier Jean-Yves, Professeur à l’UCL, avocat
De Schutter Olivier, Professeur à UCL
Panier Christian, Professeur à l’UCL, magistrat émérite
Lemmens Eric, Bâtonnier du Barreau de Liège
Mathieu Verjans, nationaal secretaris Acv

[1] Il s’agit de la “Note pour le kern 22 janvier 2013” de la Ministre de la Justice et l’appendice ayant pour titre : « Vers un système d’abonnement avec des avocats ‘spécialistes en droit des étrangers’ qui travaillent ‘pro deo’ ? »
[2] Le principe de standstill prévoit qu’un droit fondamental octroyé par une législation interne ne peut plus être retiré et qu’un niveau de protection garanti précédemment ne peut pas être réduit

Source: http://www.progresslaw.net/index.php?pg=30&id=946&lns=1&lns=3&lns=1&lns=3